Pierre bleue
L. 370, l. 350 cm
1994
Dépôt de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Nord-Sud-Est-Ouest est constituée de cinq plaques de pierre bleue alignées selon le magnétisme terrestre. Quatre pièces portent une inclusion de plomb indicatrice des points cardinaux. Curieuse boussole pour le sens commun de l’objet, la sculpture recèle une haute densité poétique. Considérant la précision des informations détenues par la pierre sur l’évolution de la Terre, Catherine Van Pottelsberghe pose le fragment lithique comme le témoin d’un moment de l’histoire de la planète, enregistré dans le matériau, passant de l’état liquide à l’état solide, par l’orientation du champ magnétique alors en activité.
Le principe d’alignement de la sculpture doit aboutir à la construction d’un réseau de boussoles entre la Belgique et l’Espagne, l’Espagne et l’Amérique du Nord, l’Amérique du Nord et la Grèce …, chaque fois organisées selon le même critère et chaque fois respectueuses des caractères du matériau autochtone. Le dessin à l’échelle d’une carte géographique généré par cet ordre suit le parcours du sculpteur, retrace ses voyages et donne des indications sur les éléments constitutifs de sa sensibilité plastique. L’artiste parle ainsi de l’impression ressentie face aux paysages pyrénéens vus d’avion et de l’importance de ce souvenir pour le travail des croûtes de calcaire exposées au Sart-Tilman.
Pour Catherine Van Pottelsgerghe, la patiente observation de la pierre est déterminante. Cela commence à la carrière et se termine dans les rapports que la sculpture établit avec son site d’implantation. L’état du matériau dans son environnement naturel reste ainsi présent à l’esprit de l’artiste. Son travail en préserve toujours l’authenticité. La sculpture est rude, sans ostentation de l’intervention humaine, comme un objet mi-culturel, mi-naturel. Subsistent dans l’oeuvre du Sart-Tilman les irrégularités de surface des croûtes de pierre bleue, évocatrices du relief des chaînes montagneuses.
Le principe d’intégration qui a présidé à l’installation de Nord-Sud-Est-Ouest repose sur un relatif isolement garant de l’intimité de la pièce comme de son rayonnement géographique. On a aussi voulu une sculpture directement posée sur l’herbe, sans socle. Peu à peu, elle s’enfoncera pour épouser l’imperceptible mouvement du sol, suggérant la trace d’une construction abandonnée, idée par ailleurs renforcée par les cercles tracés dans la pierre, qui évoquent la base de colonnes disparues.
Pierre Henrion